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Décharge de Saint Hilaire : Faa'a dénonce le silence des autorités


PAPEETE, 5 janvier 2016 – Dans un courrier adressé mi-décembre au haut-commissaire, le maire de Faa'a dénonce le silence de l’Etat et du Pays face aux projets de réhabilitation de la décharge de Saint Hilaire et à plusieurs demandes de précisions faites depuis 2010 par la municipalité. Dans le même temps, presque aucune évolution sur le front de la déclaration d'utilité publique du site de Mumuvai alors qu'Oscar Temaru a promis une "juste indemnisation" aux propriétaires du site dès 2018. Ils réclament 2 milliards Fcfp pour prix des parcelles occupées et en compensation du préjudice moral et financier.

Dans un courrier adressé le 15 décembre dernier à Lionel Beffre, haut-commissaire, Oscar Temaru réitère une proposition faite en 2010 de transformer la décharge de Saint Hilaire en centre de valorisation et d’élimination des déchets, avec "un espace de compostage des déchets verts, un système bioréacteur pour les ordures ménagères non recyclables, un centre de stockage de classe 3 pour les encombrants" et l’adhésion de la commune à la SEP pour les déchets recyclables. Il demandait à l'époque des précisions au Pays sur l'avenir de la politique sectorielle en matière de déchets et sur la pérennité de son mode de financement. "Je n’ai reçu aucune réponse à ce courrier, ni du Pays ni de l’Etat", rappelle le maire de Faa’a au haut-commissaire.

La commune n'a pas souhaité pas intégrer le syndicat mixte Fenua Ma, pourtant créé alors qu’Oscar Temaru était président de la Polynésie française en 2012, mais à partir d’un système imaginé autour de la SEP à la fin des années 90 par le gouvernement Flosse et auquel le maire de Faa’a s’est toujours opposé. "Cela nous contraindrait à multiplier par cinq la redevance que payent les administrer pour le traitement des ordures", explique-t-on dans l’entourage du maire.

En 2012, lors des réunions de travail relatives à la mise en place de Fenua Ma, les représentants de Faa’a avaient placé l’adhésion de la commune au syndicat mixte sous réserve. Ils demandaient notamment que le périmètre exact de la compétence "déchets" soit précisé par décret conformément au Code général des collectivités territoriales ; que l’Etat participe au financement du syndicat mixte en compensation des bouleversements du quotidien polynésien suite à l’implantation du centre d’expérimentation du Pacifique et de l’aéroport de Tahiti-Faa’a ; que le Pays y participe également à hauteur des 2,6 milliards Fcfp de recettes annuelles liées aux taxes sur l’environnement. "Ces différentes demandes n’ont reçu aucune réponse, ni de la part de l’Etat, ni du Pays", souligne encore le courrier du maire de Faa’a.

Une plainte a été déposée en juillet 2013 par le gouvernement Flosse à la suite d’un constat de la Direction de l’Environnement (DirEn) pour nuisance à l’environnement. Le dépotoir fonctionne sans autorisation d’exploitation alors qu’il devrait être crédité d’un statut d’installation classée. Cette plainte a été retirée en avril 2015 par Edouard Fritch.

Une procédure d'expropriation au point mort

Reste que pour mettre en œuvre son projet de centre de valorisation des déchets, la municipalité envisage depuis 2004 de procéder à l’expropriation des espaces fonciers nécessaires. Elle doit pour cela obtenir la déclaration d’utilité publique des terres concernées. "A ce titre, un certain nombre de documents ont été transmis aux services de l’Etat : plan parcellaire, liste des propriétaires, procès-verbaux de délimitation, étude d’impact… mais cette dernière est jugée trop légère, notamment sur le plan environnemental et est mise en attente de l’avis de la DirEn", reconnait le courrier adressé au haut-commissaire.

Les propriétaires de l’emprise foncière de Mumuvai, un talweg naturel sur les hauteurs du quartier Saint Hilaire à Faa’a, sont formellement identifiés depuis février 1995, par un jugement du tribunal civil de première instance. Il s’agit de membres des familles Mai et Salmon. Dans les années 70, alors en situation d’indivision, cette terre avait été mise à la disposition de la municipalité pour servir de dépotoir. Depuis quelques années les consorts Mai et Salmon, réunis dans le Comité des propriétaires de la terre Mumuvai, demandent à ce que la municipalité acquière les terres utilisées par la décharge de Faa’a. En juin 2015, le maire de Faa’a promettaient aux ayant-droits des parcelles occupées par la décharge de Saint Hilaire de faire "le nécessaire pour que le dossier de DUP (déclaration d’utilité publique, ndlr) soit complet pour fin 2015 et que l’enquête publique soit lancée dès 2016 pour aboutir à une juste indemnisation dès 2018".

Les propriétaires de la terre Mumuvai réclament aujourd’hui deux milliards Fcfp pour prix des parcelles occupées et en compensation du préjudice moral et financier.

La somme est largement assez importante pour inciter la municipalité à jouer la montre en continuant décharger de 20 000 à 25 000 tonnes de déchets en tous genres chaque année sur le site de Mumuvai. "Soyez sûr que je m’attacherai, en toute transparence à réhabiliter la décharge, à poursuivre sa transformation en espace verts et à réduire les nuisances causées par celle-ci", affirme le maire de Faa’a pour terminer ce courrier dilatoire adressé mi-décembre au représentant de l'Etat.

En 1983, Faa’a voulait son usine de valorisation

En annexe de courrier, le maire de Faa’a ressort le vieux projet de l’usine de valorisation énergétique des déchets projeté en 1983 par la société Ryan Energy Corporation, à la place du dépotoir de Saint Hilaire. L'usine prévoyait la production de 4 mégawatts d'électricité par an à partir de la méthanisation des déchets putrescibles et de l'incinération des déchets secs. "Mais l’Etat français, malgré le soutien du gouvernement de l’époque s’y est opposé pour préserver les intérêts d’EDT et donc des capitaux français", dénonce Oscar Temaru.

Le business plan du projet de centrale de Ryan Energie prévoyait la revente de l’énergie à la société Electricité de Tahiti (EDT), alors filiale du groupe Martin, voire le rachat de cette dernière. Mais en 1987, c’est le groupe GDF-Suez qui s’est porté acquéreur de l’EDT. La même année le Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères (SITOM), constitué trois ans plus tôt avec pour objectif de régler le problème de ramassage et de traitement des ordures ménagères de ses communes membres (Papeete, Pirae, Arue, Mahina, Hitiaa O Te Ra, Taiarapu Est, Teva I Uta, Papara, Paea, Punaauia et Moorea) signait plusieurs convention avec la société Tamara’a Nui, son principal partenaire pour le transport et le traitement des déchets par incinération et méthanisation. Sept ans plus tard l’usine de Tamara’a Nui installée vallée de Tipaerui était fermée et placée en liquidation judiciaire après plusieurs mois de protestation des riverains pour des nuisances environnementales en laissant près de 5 milliards Fcfp de dettes.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 5 Janvier 2016 à 16:06 | Lu 2959 fois