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Débrouille à la décharge : la Polynésie de la pauvreté


La carte postale paradisiaque de Tahiti s'écorne de plus en plus
La carte postale paradisiaque de Tahiti s'écorne de plus en plus
PAPEETE, 24 décembre 2011 (AFP) - Dans la décharge de Faaa, près de Papeete, des familles farfouillent les ordures. "C'est bientôt la Noël, et on est obligé de venir ici, sinon il n'y aura pas de cadeaux pour les enfants", déplore un jeune père. Signe que la pauvreté progresse en Polynésie, les demandes d'aide alimentaire ont explosé.

"Moi, je dis aux politiques qu'il ne faut pas penser qu'à eux", ajoute ce père de famille qui tient à son anonymat, des bobines de cuivre à la main pour les revendre.

Comme lui, de plus en plus de jeunes adultes viennent fouiller la décharge de Faaa, cette montagne de détritus avec une vue somptueuse sur l'île de Moorea. La plupart d'entre eux cherchent du métal parmi les déchets électroménagers, "pour les revendre à un Chinois qui les envoie en Asie", explique l'un d'eux à l'AFP.

Phénomène nouveau, des enfants, et même des familles entières, viennent chercher de quoi survivre. Certains récupèrent des meubles ou des vêtements pour les revendre, d'autres attendent les camions des supermarchés ou des compagnies aériennes, qui jettent ici leurs aliments et leurs sodas périmés.

"On est obligé de venir là, manger dans la poubelle", reconnaît un adolescent en se cachant derrière sa casquette.

L'augmentation de la pauvreté est difficile à quantifier dans une collectivité d'outre-mer à la très large autonomie qui ne dispose ni de caisse de chômage ni de RSA.

"L'indicateur le plus parlant pour nous est l'augmentation des demandes d'aide alimentaire: elles ont été multipliées pratiquement par cinq en quatre ans", affirme à l'AFP Paul Tetahiotupa, le directeur de affaires sociales de Polynésie.

En 2006, 1.000 familles ont été aidées, en 2010 ce sont 4.300 familles qui ont bénéficié d'un soutien.

"Pour une famille, on est en moyenne sur une aide de 100 francs Pacifique par jour environ (0,8 euro), c'est très peu. Il faut se poser la question du minimum nécessaire si on veut s'occuper de la pauvreté", estime Paul Tetahiotupa.

Si le budget global d'aide sociale s'élève à 1,6 milliard de francs Pacifique, maintenu à ce niveau pour 2012, "à l'échelle de la pauvreté, on est loin de pouvoir répondre à toutes les demandes", déplore le responsable, qui estime qu'"à un moment donné il faut des amortisseurs sociaux, comme le RSA, pour pouvoir se reconstruire, pour rebondir".

"On n'a pas de caisse de chômage, alors qu'on a perdu 9.000 emplois depuis 2008. Du jour au lendemain, ces actifs n'ont plus rien. Un certain nombre de familles éprouvent des difficultés pour pouvoir se nourrir. Ensuite c'est la spirale de l'échec", décrit-il.

La Polynésie traverse une grave crise économique, et connaît une forte instabilité politique depuis 2004, avec 13 gouvernements en 7 ans.

"On a une problématique de travailleurs pauvres qui apparaît. Ils travaillent, mais n'arrivent pas à joindre les deux bouts", renchérit Jean-Marie Savio, conseiller au ministère de la Solidarité, soulignant lui aussi les demandes d'aides alimentaire et vestimentaire.

L'autre indicateur fiable est "l'évolution des trois régimes de protection sociale, qui couvrent 90% de la population polynésienne", estime M. Savio.

Le régime des salariés (RGS) dont les inscrits sont en baisse de 5% entre 2008 et 2011, celui des non-salariés (RNS) pour les professions indépendantes en baisse de 6,4%, et le régime de solidarité (RSPF) pour toutes les personnes sans revenu, en augmentation de 20%.

"Cela démontre l'augmentation rapide de la pauvreté", analyse-t-il laconiquement.

ml-sla/dch/mad/fm

Rédigé par Par Mike LEYRAL le Samedi 24 Décembre 2011 à 07:19 | Lu 3411 fois