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Colloque international sur les catégories de genre : Irène Théry prône l'évolution des habitudes et du regard


Colloque international sur les catégories de genre : Irène Théry prône l'évolution des habitudes et du regard
Irène Théry est sociologue et directrice d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Science Sociale à Marseille. Cette spécialiste de la question de la famille est l’auteur d’ouvrages traitant de la question et a également participé à l’élaboration du PACS. Venue tout spécialement pour le colloque international sur le thème de « La personne et les catégories du genre en Polynésie. ». Nous l’avons rencontré. Elle nous livre sa vision sur le sujet.

Tahiti-Infos : Irène Thery, vous avez ouvert ce colloque avec un exposé intitulé « Le genre comme modalité des relations sociales », pouvez-vous nous expliquer cette notion ?

Irène Thery : ma particularité, c’est que je ne reste pas enfermée dans les sociétés occidentales présentes, mais je lis les historiens et les historiennes. Je me remets le présente dans le « long-temps » historique. Mais j’ai eu la chance de travailler depuis plus de 15 ans maintenant, avec des collègues anthropologues spécialistes du Pacifique. (…) Je me suis passionnée pour l’anthropologie sur la Polynésie, mais également dans les autres groupes d’îles et communautés du Pacifique Sud parce que j’ai eu l’impression d’apprendre sur moi-même. Quand je lisais les travaux de mes collègues, j’avais l’occasion de percevoir mes propres pré-notions. Je m’explique : dans la société occidentale, quand on cherche un archétype de masculin-féminin, on pense tout de suite au couple pro-créateur. On pense tout de suite à Adam et Eve.

Mais lorsqu’on connait les cosmogonies traditionnelles de la Polynésie ( théorie sur l’existence du monde universel ), on s’aperçoit que dans la mythologie, l’archétype de la différence des sexes, c’est le couple du frère et de la sœur qui est, à la fois, un couple désiré et interdit. (…) et là, je me suis qit que oui biensûr, on pouvait tout-à-fait se représenter un frère et une sœur car après tout, nous venons tous de la même origine. A partir de là, on prend conscience qu’on prenait des choses comme des évidences, alors qu’elles n’en sont pas.

Donc, ça c’est renouer avec ce qui fait vraiment la grandeur de l’anthropologie et de la sociologie qui est la comparaison, c’est-à-dire apprendre à prendre distance avec soi-même en se voyant comme l’autre de l’autre. Et donc je crois que ce colloque-ci symbolise pour moi et mes collègues, par cette façon de se comprendre par le miroir du regard d’autrui, en apprenant que d’autres façons de concevoir la question des genres (féminin-masculin), le rôle social de la femme et de l’homme ou de la maternité et de la paternité, est possible.

Cela dit, nous ne sommes pas seulement différent. Nous sommes aussi semblables. Cette grande révolution qui veut que les femmes gagnent l’égalité. Que nous, les femmes, soyons égales à vous les hommes. Que, dans nos vies, nous puissions exercer d’autres domaines de compétences, autres que celles dans lesquelles nous avons été reléguées (foyer, enfant, repas et procréatrices) mais aussi qu’on puisse imaginer que la France puisse être, un jour, présidée par une femme. Que cette évolution puisse faire changer les hommes également.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que cette révolution touche le monde entier. Elle va nous confronter à une grande question : comment allons-nous vivre cette mutation sans renoncer à notre identité ? Sans renier notre passé, parce que personne ne veut renier sa culture ou sa famille. Il va y avoir, non pas une uniformisation du monde, mais une sorte de réappropriation de chaque culture qui va se remettre en question, mais apporter sa pierre à l’édifice. Par exemple, je trouve que la société française dans laquelle je vis est trop individualiste. Le « moi » ou le « je » prime malheureusement, ce qui disqualifié le « nous » la communauté. Qui voudrait être tout seul, enfermé dans sa solitude ? Donc, nous avons aussi besoin d’une certaine dépendance.

Tahiti-Infos : et comment avez-vous perçu ce colloque ?

Irène Théry : Je dois vous avouer que ce qui m’a agréablement surpris, c’est que, pour une fois, nous avons pu poser le débat entre des spécialistes de différents domaines. Je cite les anthropologues, les historiens, les sociologues mais aussi les spécialistes religieux comme Hervé Legrand, ou encore Pascal Ide, voire Véronique Margron. Il était important, voire crucial de pouvoir conjuguer nos idées pour porter la réflexion plus loin et vers une dimension plus consensuelle, ceci afin de mettre sur le même plateau, même pied d’égalité, la question du genre voire même Des genres.

L’objectif étant de permettre à toutes les cultures, et pas seulement océaniennes, de voir autrement, différemment, sans pour autant, rejeter ce que l’on est ou notre appartenance ethnographique. Je vais vous avouer que c’est la première fois de ma vie que je participe à un colloque ou un meeting de cette qualité, où l’on évoque d’un sujet aussi délicat et controversée, avec des scientifiques d’un côté, puis l’église catholique de l’autre. Vous voyez, avec ce genre d’évènement, on ne peut en ressortit que plus riche et plus grand intérieurement, mais surtout psychologiquement. En cela, je trouve que c’est une totale réussite.

Ce vendredi, Irène Théry interviendra dans l’hémicycle place Taraho’i, dans le cadre d’une conférence débat sur le thème du PACS. Elle sera accompagnéé par Véronique Margron. Les aspects pratiques et législatifs seront exposés.

TP



Rédigé par TP le Jeudi 26 Septembre 2013 à 15:00 | Lu 864 fois