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Clipperton, au coeur du Pacifique, un laboratoire à ciel ouvert


Paris, France | AFP | lundi 22/06/2015 - C'est un confetti perdu au milieu du Pacifique, royaume des crabes, des oiseaux et des rats. Mais l'homme pourrait bientôt poser ses valises sur l'atoll de Clipperton, petit bout de France à l'abandon et laboratoire à ciel ouvert de la biodiversité.

Situé à 12.000 km de la France métropolitaine, 6.000 de Tahiti et 1.300 des côtes mexicaines, l'atoll de 7 km2 dont 1,7 km2 de terres émergées est considéré comme le plus isolé du monde par le comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

"Clipperton est une chance pour la France", assène Christian Jost, géographe à l'université de Polynésie française, qui a dirigé en avril une mission scientifique sur l'ilot, la troisième depuis 1997.

Son credo: "Envisager la mise en place sur l'atoll d'une base habitée, scientifique et de surveillance, comme celles des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)."

Le scientifique en a fait début juin la proposition au conseiller outre-mer de l'Elysée, Marc Vizy, qui l'a reçu pour un compte-rendu de sa mission, baptisée "Passion 2015". Un nom inspiré par l'histoire de Clipperton: découvert par des marins français en 1711, le jour du Vendredi saint, l'atoll fut d'abord appelé île de la Passion avant de prendre le nom d'un flibustier britannique qui écumait la région.

- Jachère -

"Passion 2015" a réuni pendant deux semaines 14 scientifiques français et mexicains, botanistes, biologistes marins, géographes ou ingénieurs agronomes. Ils ont passé au crible l'écosystème et la biodiversité émergée et immergée de l'îlot, soumis à la pollution venue de la mer ainsi qu'à l'érosion galopante de sa côte et de ses plages.

Mais l'intérêt de Clipperton n'est pas que scientifique. Pendant la mission, la frégate de la marine nationale Prairial est ainsi venue réaffirmer la souveraineté française sur l'atoll, que lui avait à une époque contestée le Mexique voisin avant de la reconnaître définitivement en 1959.

A son bord, le député (UDI) du Tarn Philippe Folliot, ardent défenseur du patrimoine maritime de la France et des ses îles souvent méconnues.

Il est devenu le premier élu à poser le pied sur cette miette de France sous les yeux de ses habitants actuels: quelque 110.000 fous masqués (la plus importante communauté du monde), des millions de crabes oranges terrestres et omnivores et des milliers de rats, venus avec les bateaux des premiers aventuriers.

"Clipperton ne doit pas rester en jachère", assure à l'AFP M. Folliot, qui a été reçu attentivement à l'Elysée aux côtés de Christian Jost. "Le principal enjeu pour l'atoll est sa souveraineté et la protection de ses ressources naturelles", ajoute-t-il. "Avec cette île isolée et inhabitée, la France dispose d'un véritable laboratoire à ciel ouvert."


- Zone de pêche -


Pour Christian Jost, les atouts de Clipperton sont multiples: "Ses ressources halieutiques (thonidés), ses champs sous-marins de nodules polymétalliques (des concrétions rocheuses riches en minerai, NDLR) et sa position géostratégique, dans une ZEE (zone économique exclusive) de 435.000 km2, supérieure à celle de la France métropolitaine (336.000 km2)."

"La position de Clipperton a permis à la France, en 1973, d’adhérer à l’Inter American Tropical Tuna Commission (I.A.T.T.C.) qui ouvre l’une des zones de pêche les plus riches du monde, et de participer activement à ses travaux", rappelle le ministère de l'Outre-mer sur son site. Actuellement, un accord de pêche lie la France et le Mexique, qui est autorisé à y faire naviguer 43 thoniers.

En 2004-2005, le médecin-explorateur Jean-Louis Etienne avait passé quatre mois à Clipperton à la tête d'une importante expédition d'inventaire naturaliste.

Il avait à l'époque lancé un appel au Président Jacques Chirac pour que soit créé sur l'atoll un "observatoire de l'océan sur les plans faunistique, climatique et environnemental".

Sa proposition était tombée dans le Trou Sans Fond du lagon de l'atoll. Dix ans plus tard, les cartes sont entre les mains de François Hollande, à quelques mois de la conférence mondiale sur le climat (COP 21), en décembre à Paris.

Rédigé par () le Vendredi 3 Juillet 2015 à 06:40 | Lu 641 fois