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Chikungunya : comment remobiliser la population antillaise contre l'épidémie


FORT-DE-FRANCE, 18 juillet 2014 - La remobilisation de la population dans la lutte contre le chikungunya est devenue l'enjeu principal aux Antilles, touchés depuis plus de sept mois par cette épidémie qui risque de se prolonger avec la saison des pluies.

"Mais si madame, c'est bien le moustique qui transmet la maladie!": Marisol Touraine a tenté vendredi de convaincre Myriam, une habitante de Schoelcher (Martinique) âgée de 76 ans, persuadée que "c'est le Seigneur" qui lui a envoyé ce chikungunya qui la fait encore souffrir.

La ministre de la Santé a pu constater sur le terrain, de Guadeloupe et de Martinique, les freins qui existent encore dans la population, alors que le "chik" a fait son apparition dans la Caraïbe en décembre dernier.

"L'épidémie se poursuit, la vigilance reste de mise. Après plusieurs mois, il est important de remobiliser la population, les acteurs locaux et de lutter contre les rumeurs", a déclaré Mme Touraine.

"La clé, c'est la prévention. Encore et toujours", a-t-elle insisté, ajoutant comprendre "qu'une forme de lassitude se soit installée" mais qu'il faut combattre.

Pour intensifier le porte à porte, 52 jeunes supplémentaires vont être recrutés en service civique pour rappeler les mesures de prévention et l'importance de traquer les gîtes larvaires.

"On pense aux pots de fleurs, coupelles, fûts dans les jardins mais il y a aussi le verre à dents, le plateau à séchoir de vaisselle, la petite fuite du bac de douche", a détaillé Didier Camy, ingénieur sanitaire à l'Agence régionale de santé (ARS) de Martinique.

Des équipes viennent aussi pulvériser de l'insecticide "mais cela ne peut pas être une réponse en soi, il faut combiner toutes les actions de prévention et surtout détruire les gîtes larvaires" du moustique vecteur du virus, a souligné le Dr Manuel Etienne, entomologiste médical (ARS).

Nids à moustiques

Autre problème sur l'île, les épaves de véhicules qui forment de parfait nid à moustiques. Une convention de co-financement a été signée entre l'État, la Région Martinique et l'Agence de l'environnement (ADEME) pour "enlever 1.500 véhicules hors d'usage", repérés par les communes sur des sites prioritaires.

"L'armature juridique a été prévue pour permettre de pénétrer chez les gens en l'absence de l'accord du propriétaire", a précisé Laurent Prévost, préfet de la Martinique, qui a déploré un "phénomène malheureusement ancien".

Pour Serge Letchimy, président de la Région, "la Martinique est de plus en plus propre mais il faut donner un coup d'accélérateur" et en profiter pour "mettre sur pied une filière de valorisation" créatrice d'emploi.

Le Conseil général a prévu de passer de 8.000 à 20.000 sprays de répulsifs distribués aux personnes les plus fragiles. Une enveloppe de 250.000 euros a été affectée à cette action.

Les autorités publiques ont aussi plus largement décidé de réorienter la communication sur l'épidémie. Depuis plus d'un an, les messages de prévention concernaient aussi la dengue (maladie véhiculée par le même moustique) et "les gens peuvent être un peu fatigués de répéter toujours les mêmes gestes", a fait valoir la préfecture. "La volonté est d'avoir un message plus choc pour que les gens se sentent concernés et prennent conscience des risques qu'ils encourent".

"Alors que l'épidémie connaît une stabilisation, c'est le moment de donner un vrai coup de collier pour que cette tendance se maintienne malgré le début de la saison des pluies", selon l'entourage de Marisol Touraine.

Une nouvelle campagne d'affichage a été lancée sur le thème "tous responsables, stop aux moustiques!", qui rappelle notamment aux gens que si leur terrain abrite des déchets posant un problème de santé publique, ils encourent une amende de 3.000 euros minimum.

Selon les derniers chiffres de l'Institut de veille sanitaire, 115.000 cas de chikungunya ont été recensés, avec une ampleur différente selon les îles: 63.000 cas en Guadeloupe, 49.000 en Martinique, 881 en Guyane, 720 cas en Saint-Barthélemy et 3.360 à Saint-Martin où l'épidémie a commencé. Toute la Caraïbe est touchée mais les pays voisins donnent peu d'informations sur l'ampleur de l'épidémie qui les touche.

Raquette électrifiée et tisane traditionnelle, l'arsenal anti-chik

SCHOELCHER, 18 juillet 2014 (AFP) - Dans la lutte contre le chikungunya, les habitants des Antilles, en proie à une épidémie depuis plusieurs mois, ont développé un arsenal soit contre le moustique vecteur de la maladie soit contre les maux qu'elle engendre.

L'équipement de base de tout antillais comporte les répulsifs (pour la peau et les tissus), la moustiquaire. Et surtout une raquette d'un genre nouveau que l'on trouve dans tous les commerces, du "chinois" (épicerie de quartier) à la grande surface, entre 7 et 10 euros.

De la taille d'une raquette de tennis, le modèle le plus perfectionné comporte un triple tamis, dont le central est électrifié. Le manche abrite une petite lampe (rechargeable par la base) qui permet à la fois d'attirer le moustique et de le voir au moment de frapper.

"Moi, ce que j'aime, c'est le bruit du moustique qui grille", raconte Marie Garon, adjointe au maire de Schoelcher (Martinique), exprimant un sentiment largement partagé entre Martinique et Guadeloupe.

Devant une maladie qui n'a pas de traitement spécifique, si ce n'est de prendre du paracétamol contre les fièvres et les douleurs articulaires, les malades ont recours à la pharmacopée traditionnelle.

Le député-maire guadeloupéen Ary Chalus, qui ne l'a pas eu et ne compte pas le contracter, boit une tisane "fortifiante pour l'organisme qui comprend quatre herbes locales : thé pays, simécontra, ti poule bois et mal nommé".

Certains disposent des feuilles de fruit-à-pain pour éloigner les moustiques. La zeb-à-pik, une plante utilisée pour stopper les infections virales, se prend en solution buvable disponible en pharmacie ou macérée dans du rhum.

Delphine Romarin, habitante de Baillif (Guadeloupe) tente de soulager ses douleurs persistantes avec du "citron et du clou de girofle à faire bouillir".

Malades, convalescents ou encore épargnés, tous les antillais le pensent: "Le chik, c'est pas chic, plutôt choc!"

Rédigé par AFP le Vendredi 18 Juillet 2014 à 10:19 | Lu 1036 fois