Tahiti Infos

Chez les Vilchez le piano est une passion familiale


Felix Vilchez et son fils, Felix Terahiti Vilchez, dans la salle de répétition de leur maison de Faa'a.
Felix Vilchez et son fils, Felix Terahiti Vilchez, dans la salle de répétition de leur maison de Faa'a.
PAPEETE, le 17 aout 2017 - Felix Vilchez est pianiste professionnel en Polynésie depuis 20 ans. Aujourd'hui c'est son fils, Felix Terahiti Vilchez, qui prend le relai en suivant des études de pianiste concertiste à Montréal. Une de ses ambitions est de faire découvrir la musique classique aux Polynésiens.

Felix Vilchez est un pianiste bien connu au Fenua. Ce Péruvien est arrivé en Polynésie au début des années 1990. Son parcours est, comme souvent, lié à une histoire d'amour : "je suis venu à Tahiti participer à un festival de musique qu'ils organisaient à l'époque sur le modèle de l'Eurovision, avec des artistes de tout le Pacifique, dont l'Asie et l'Amérique. Nous étions une vingtaine de participants, et on a gagné le deuxième prix… J'ai surtout rencontré l'organisatrice, qui est devenue ma femme et la mère de mes deux enfants. Mes enfants sont nés au Pérou, où nous avons vécu presque 7 ans, avant de finalement revenir ici. Là ça fait 20ans je travaille comme musicien, surtout comme animateur jazz dans les hôtels, et je joue également lors d'événements avec les musiciens locaux et les invités internationaux. Je joue donc surtout de la musique internationale ou locale avec les groupes locaux, qui sont très talentueux."

Quand on lui demande quelle est la différence entre la musique du Pérou et celle de Tahiti, on comprend pourquoi cette famille d'artistes a finalement choisi de faire sa vie au Fenua : "La question est un peu provoquante. Sans doute que la musique polynésienne reflète d'une certaine manière le vécu ici à Tahiti, la beauté, la paix, l'équilibre entre l'activité humaine et la nature généreuse. Au Pérou c'est différent, c'est un pays qui s'est construit sur 500 ans de conflits, qui compte 30 millions de personnes divisées en plusieurs nations. La musique y reflète ces conflits et les cultures très opposées de ces différents groupes."

Aujourd'hui, il voit son fils se plonger à corps perdu dans la musique classique et le piano de concert, au point d'être reçu en doctorat à l'École de Musique de l'Université de Montréal. Cette réussite l'emplit de satisfaction : "c'est génial ce qu'il a accompli. On a toujours laissé nos enfants décider ce qu'ils veulent faire, il a pris son temps pour choisir, il a travaillé et il y est arrivé. C'est une grande satisfaction de voir son fils accomplir ses propres rêves."



Felix Terahiti Vilchez, en doctorat de piano classique à l'université de Montréal
"Je suis sûr que le peuple Tahitien peut vraiment apprécier la force de ces morceaux classiques"


"Moi et ma sœur avons grandi en écoutant et en jouant de la musique. Partout où on a habité il y avait une pièce qui ressemblait à ça (Terahiti balaie la salle de répétition d'un geste) : plusieurs claviers, des basses, des guitares, de nombreux autres instruments, des ordinateurs, de quoi enregistrer… Et on a été exposés à tous ces styles, la musique latino-américaine, le jazz… C'est à 11 ans que j'ai vraiment voulu apprendre un instrument sérieusement en prenant des cours, je travaillais avec un petit carnet et à l'oreille pour reprendre des morceaux populaires, salsa, boleros, de tout.

Mais ça n'a pas duré longtemps. Quand mon père m'a inscrit au Conservatoire, j'ai démarré dans le classique et ça m'a vraiment plu. Au départ j'aimais bien la précision, le fait que chaque note ait une façon d'être jouée bien indiquée sur la partition. Puis les pièces et la sensibilité des œuvres m'ont vraiment touché, il y a une sensibilité dans les œuvres classiques qui est particulière et plus intense que dans les autres morceaux. Dans le répertoire classique il y a vraiment des chefs d'œuvres, et on se rend vite compte que ces morceaux sont à la base de tout ce qu'on entend aujourd'hui, ils ont vraiment influencé le jazz, la musique latine, tout.

Du coup j'ai fait tout le cursus au Conservatoire et j'ai continué. Là je viens de terminer ma maitrise en "performance" à l'École de Musique de l'Université de Montréal, et j'y retourne pour la rentrée pour continuer sur un doctorat. J'encourage en passant les étudiants Tahitiens qui vont venir à la rentrée à prendre contact avec l'AEPF de Montréal, on est vraiment soudés, c'est une grande famille. Sinon mes cours à l'École de Musique mélangent à la fois la théorie et la pratique de mon instrument, le piano classique. Chaque année je dois présenter un répertoire d'une heure qui permet de passer à l'année suivante. Ce programme vise surtout à former des pianistes concertistes classiques. C'était ce que je visais au départ, mais aujourd'hui je pense que je préfèrerais jouer dans des orchestres ou former moi-même des ensembles pour avoir notre répertoire propre, toujours dans la musique classique. Et j'adorerai pouvoir jouer à Tahiti pour faire découvrir ce répertoire aux Polynésiens.

Je comprends que de voir un Tahitiano-péruvien se lancer dans la musique classique puisse surprendre. Ici on n'est pas très exposés à ce style, surtout les jeunes. Même pour les musiciens qui sont au Conservatoire, c'est rarement une option qui est poursuivie. Mais je pense vraiment que cette musique a beaucoup de choses à apporter. La formation à la musique classique apporte une vraie discipline et une ouverture d'esprit à un musicien. Et à l'écoute, je suis vraiment sûr que le peuple Tahitien peut vraiment apprécier la force de ces morceaux. Je vais vous raconter une anecdote. Quand j'ai joué un concerto à la Maison de la Culture avec les autres élèves en dernière année du Conservatoire, juste avant de partir au Canada, ma mamie qui est une vraie Paumotu-Chinoise était vraiment touchée par la musique, elle ressentait cette émotion que le compositeur voulait transmettre. Et c'est vrai que le classique c'est vraiment mieux de l'écouter en live, donc j'espère pouvoir revenir ici jouer pour partager cette passion avec tout le monde !"

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 17 Août 2017 à 16:58 | Lu 3552 fois