Tahiti Infos

Cession des terrains militaires : le statu quo pour l’instant


ARUE, mardi 5 novembre 2013. La semaine dernière il y avait urgence : cinq maires -ou leurs représentants- des communes concernées par la rétrocession des terrains militaires à l’euro symbolique se réunissaient à la mairie de Mahina. L’enjeu : le déblocage des CRSD (Contrat de redynamisation des sites de défense) polynésiens et la proposition inattendue du ministère de l’économie à Bercy de passer par la création d’un syndicat mixte entre les communes et le Pays pour réaliser cette rétrocession des sites de défense délaissés par les militaires. Une solution technique pour oublier les complications du partage des compétences entre le Pays et les communes, propre au statut d’autonomie de la Polynésie française.

L’urgence était que cette proposition émanant de Bercy devait se matérialiser par la rédaction d’un amendement au projet de loi de finances 2014 en cours d’examen jusqu’au 19 novembre à l’assemblée nationale. Amendement qui devait être déposé rapidement par l’un des députés polynésiens. Sceptiques devant cette proposition venant du gouvernement central, les municipalités de Mahina, Arue, Pirae, Papeete et Taiarapu Est avaient décidé tout d’abord de demander audience auprès du Haut commissariat et de la Vice-présidence pour prendre le pouls de l’Etat et du Pays sur ce dossier dont la gestion est partenariale. Les rendez-vous successifs se sont déroulés mercredi dernier dans l’après-midi. Il n’en est sorti rien de franchement nouveau si ce n’est que les maires concernés ont finalement décidés de ne pas se rendre en délégation à Paris comme ils l’avaient envisagé.

Mieux encore, les maires se rangent à l’opportunité du dépôt de cet amendement au projet de loi de finances par les députés polynésiens, et à la possibilité que cette solution technique puisse réellement aboutir à la récupération des anciens sites militaires polynésiens. «On a décidé d’attendre de voir ce que ça donnera. A l’issue des rendez-vous de mercredi dernier nous avons décidé de laisser faire le dépôt de l’amendement, son vote et son application» détaille Philip Schyle le maire d’Arue. Mais, jusqu’ici l’amendement qui serait présenté par les députés polynésiens n’a pas été déposé au secrétariat général de l’assemblée nationale. Ce dispositif d’accompagnement territorial du redéploiement des armées sera examiné en séance publique de l’assemblée nationale ce vendredi 8 novembre dans le chapitre concernant les politiques des territoires du projet de loi de finances 2014. Selon le règlement intérieur de l’assemblée nationale, les députés ont jusqu’à la veille (17h) pour déposer leurs amendements de séance. Donc il reste encore un peu de temps.

Mais les maires concernés restent très dubitatifs quant à cette solution technique prônée par Bercy. Un doute que partagerait également le vice-président du Pays, Nuihau Laurey. Car si l’amendement est adopté dans les prochains jours, la question de la rétrocession des terrains militaires polynésiens à ce syndicat mixte Pays/communes n’est pas prête d’être réglée pour la bonne raison que ce syndicat mixte n’a pas encore été créé. Or, les interrogations à résoudre pour sa création s’avèrent complexes avant même d’avoir été posées. «Quelles compétences précises le Pays voudra bien délaisser à ce syndicat mixte ? Quelle portion de la compétence du développement économique normalement dévolue au Pays sera réellement transmise au syndicat mixte pour que cela puisse fonctionner ?» s’interroge déjà Philip Schyle.

Toutes ces interrogations, ces arbitrages à réaliser n’augurent rien de bien facile, au contraire. Le temps de créer ce syndicat mixte et de lisser les partages de compétence, il se pourrait bien qu’il ne soit trop tard pour que le dispositif des CRSD soit encore accessible, car la date butoir se rapproche : le 31 décembre 2014. A moins que, comme le laisse présager un projet de loi adopté il y a quelques semaines par le Sénat, ce dispositif de CRSD soit prolongé jusqu’en 2019. Ce projet de loi faisant état en effet de dispositions relatives «à la programmation militaire pour les années 2014 et 2019» ; propose que «le dispositif de cession à l’euro symbolique de certaines emprises libérées par la défense soit reconduit par la loi de finances, moyennant quelques aménagements, pour les collectivités les plus fortement affectées» et envisage enfin que «le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement des armées instauré par la loi de finances pour 2009, pour leur apporter une aide au fonctionnement soit maintenu jusqu’au 1er janvier 2022».

Cette extension du calendrier pourrait effectivement être une aubaine pour la rétrocession des terrains militaires en Polynésie qui n’a pas avancé d’un pouce depuis 2011. Encore faut-il qu’il soit sûr, car pour l’instant il ne s’agit que d’un projet de loi adopté en première lecture par le Sénat mais qui n’a pas encore été présenté à l’Assemblée nationale. Au final, les maires des communes polynésiennes qui attendent ces terrains militaires pour divers projets d’aménagement ou de développement, craignent surtout de souffrir de nouveaux délais, de nouvelles lenteurs. Aussi, ils gardent en mains un atout majeur : la menace d’un recours devant le Conseil d’Etat pour obtenir une simple application de la loi de 2009…

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 5 Novembre 2013 à 14:30 | Lu 1234 fois