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Centrale hydroélectrique de la Vaiiha : le projet qui divise le gouvernement Temaru


Centrale hydroélectrique de la Vaiiha : le projet qui divise le gouvernement Temaru
« Messieurs les ministres, rassurez-nous et dites-nous si le projet hydroélectrique de la Vaiiha intéresse encore notre gouvernement ou pas ? » La question a été posée par le représentant UPLD Georges Handerson jeudi dernier lors d'une séance à l’assemblée. Elle s’adresse aussi bien au ministre en charge des technologies vertes, Temauri Foster, qu’au ministre de l’environnement et de l’énergie, Jacky Bryant. Alors que le premier souhaite voir aboutir le projet, le second freine des quatre fers et demande l’instauration d’un moratoire. Résultat, l’EDT est dans l’attente de la décision du politique, et le projet est à l’arrêt.

La centrale hydroélectrique de la Vaiiha était jusqu’ici le meilleur atout du pays pour parvenir à l’objectif ambitieux qu’il s’est fixé : arriver à produire 50% de l’électricité en Polynésie à partir d’énergies renouvelables d’ici 2020. Le site semblait a priori parfaitement adapté, puisqu’il se caractérise par une pluviométrie importante. C'est aussi la 3ème plus grande vallée de l’île de Tahiti, avec une capacité potentielle de production électrique de 24 millions de Kwh/an.

Devant ces arguments, le projet est donc autorisé le 10 mai 2007 par le conseil des ministres, suite à l’avis positif de la commission de l’énergie. Tout semblait bien parti, et pourtant rapidement, la machine se grippe. Les premières propositions de la société Marama Nui (EDT) sont trop élevées : 25F par kWh. La commission émet un avis défavorable. C’est ensuite la solution d’une délégation de service publique qui est envisagée, en novembre 2010. Un appel d'offre doit être réalisé, en vue de la mise en concurrence d'entreprises susceptibles de réaliser l'équipement hydroélectrique de la Papeiha. Les dernières avancées remontent au mois d'août dernier : Temauri Foster pésente en conseil des ministres une communication retraçant l'historique et les aléas du projet.


Impact écologique sur des espèces endémiques et protégées

Mais rapidement, une autre voix se fait entendre : celle du ministre de l’environnement et de l’énergie, Jacky Bryant. Il met en garde contre les conséquences écologiques d’un barrage dans la vallée. Malgré les assurances d’EDT, qui affirme que le projet d’étude de cette station hydroélectrique a pris en compte l’impact environnemental, Jacky Bryant demande l’instauration d’un moratoire sur la question, et s’appuie sur une étude de 2007 menée par la délégation à la recherche, intitulée « Evaluation écologique de la vallée de la Vaiiha (Papeiha)».

Cette fiche technique révèle l’existence de 7 espèces végétales endémiques menacées et protégées, notamment l’orchidée terrestre Moerenhoutia plantaginea, ou encore de petits arbres endémiques Lepenia taitensis. Ces chercheurs dévoilent également la présence d’une faune originale, comme un escargot arboricole protégé, le Partula hyalina, et de « nombreuses populations de fauvettes ou de rousserolles à long bec ». Enfin, la basse vallée serait le site de nidification pour le canard à sourcil « mo’ora ».

Conclusions de l’étude : « la vallée de la Vaiiha, qui n’avait pas fait l’objet de prospections botaniques approfondies dans le passé, peut être reconnue comme un site de conservation important en Polynésie française, au même titre que les sites environnants du mont Mauru et du plateau de Viriviriterai.» Autant d’arguments sur lesquels s’appuie Jacky Bryant pour bloquer le projet. « Ce n’est pas une opposition de principe, ou une opposition dogmatique » a-t-il assuré à Tahiti Infos. « Je m’inquiète pour les espères remarquables et uniques de la Vaiiha, qui sont protégées par le Pays. Va-t-on les détruire, en contradiction avec nos propres lois ? »

Les deux ministres attendent désormais l’arbitrage du président, qui ne se presse pas pour le donner. Temauri Foster, sous la pression de Jacky Bryant, annonce une nouvelle étude sur l’impact écologique du projet, qui sera confiée à un bureau d’étude métropolitain. Et n’oublie pas de mettre l’accent sur l’ « impact économique » de cette opération, qui représenterait une économie annuelle de 260 millions de francs pour le FRPH (fonds de régulation du prix des hydrocarbures ), ainsi que la création de 50 emplois pour une durée de deux ans.

Contactée par Tahiti Infos, la société EDT s’est refusée à tout commentaire.

Téléchargeable ci-dessous, la fiche technique d'évaluation écologique de la vallée de la Vaiiha (Papeiha) de Jean-Yves Meyer, Marie Fourdrigniez, et Ravahere Taputuarai (2007)

le Mardi 4 Octobre 2011 à 15:39 | Lu 1790 fois