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Bataille de commissions à l'assemblée pour enquêter sur le secteur de l’Energie


PAPEETE, 1er juillet 2016 - Deux propositions de commissions d’enquête ont été soumises à l’avis de l’assemblée vendredi. L’instance chargée d’éclairer le débat sur le secteur de l’énergie en Polynésie française pourrait être créée courant août lors d’une session extraordinaire.

L’assemblée est saisie pour avis au sujet de deux propositions de délibération visant la création de commissions au sein de la troisième institution du Pays pour enquêter sur le secteur de l’énergie.

L’une portée par l’opposition indépendantiste (UPLD) et Tahoera’a Huiraatira, et notamment Valentina Cross et Gilda Vaiho, proposait de se pencher sur une évaluation du processus de refonte du secteur électrique de la Polynésie française et la révision des conditions tarifaires de l'électricité depuis 2013.

Cette commission d’enquête entendait évaluer l’impact sur les tarifs de l’électricité de quatre avenants apportés depuis octobre 2013 à la convention de concession de distribution d'énergie électrique de Tahiti Nord (n° 60-10 du 27 septembre 1960) et convenus entre le Pays et EDT-Engie. Concrètement, l’instance envisage de focaliser son attention sur les seuls avenants n°16 B, n° 16 C, n° 17 et n° 17 B modificatifs du cahier des charges de la délégation de service public accordée à l’électricien. Les deux derniers avenants sont l'objet d'une croisade de reproches, initiés par Valentina Cross depuis plusieurs semaines pour pointer ce qu'elle estime être un acte de favoritisme du gouvernement à l'égard de la société EDT-Engie. Certains de ses propos lui valent d'ailleurs trois citations directes en correctionnelle pour "diffamation envers un citoyen en charge d’un mandat public", pour le 26 juillet prochain à la demande de Nuihau Laurey qu'elle accuse d'être à la manœuvre.

Mais elle a été retirée de l'ordre du jour pour être incluse par voie d'amendements dans une autre proposition de délibération soutenue par la majorité RMA.

Cet autre proposition de texte, porté par le groupe majoritaire Rassemblement pour une majorité autonomiste (RMA), suggère d’élargir le champ d’intérêt et "d’évaluer l’organisation du secteur énergétique et les délégations de service public y afférentes" sur les 20 dernières années. Le principe en avait été exposé dans nos colonnes par le ministre en charge des énergies, Nuihau Laurey, début juin dernier.

Lire aussi : Nuihau Laurey souhaite créer une commission d'enquête de l'énergie pour "plus de transparence"

Il avait été rappelé lors de la séance des questions au gouvernement en réponse à une question orale posée par la représentante Valentina Cross, le 23 juin dernier à l’ouverture de la septième séance de la session administrative. L’élue UPLD interpellait une fois de plus l’exécutif au sujet de soupçons de favoritisme en faveur de la société EDT-Engie.

"Si vous souhaitez autant que moi cette transparence, alors, chiche, proposez vous-même la création de cette commission d’enquête sur l’énergie. Et alors, nous y verrons, je pense, un peu plus clair sur le rôle des uns et des autres dans ces affaires", avait interpellé Nuihau Laurey, L’élue souverainiste venait une fois encore de dénoncer l’"immixtion" du gouvernement "dans le périmètre de Sécosud". La représentante UPLD pointait la teneur de l’avenant 17, arrêté en Conseil des ministres fin décembre dernier afin de modifier la convention de délégation de service public dont bénéficie EDT-Engie. Cette disposition, dorénavant conventionnelle, reconnait à l’électricien le droit de vendre l’énergie hydroélectrique produite par les centrales de Marama Nui au syndicat chargé de l’électrification des communes du Sud de Tahiti (Sécosud). Cet arrêté admet aussi dans ces conditions le principe d’une marge automatique de 10 Fcfp par kWh vendu par EDT à un tiers. Dans ce contexte, on aurait pu penser que l'élue UPLD tentait de prendre au mot le ministre en charge de l'énergie.

Mais "cette commission n’aurait eu pour vocation que de servir les intérêts de la polémique ouverte par Valentina Cross", nous livre-t-on à propos de la proposition de l’opposition.

"Ces avenants méritent d’être évoqués, bien sûr, mais pourquoi se borner seulement à cela" développe-t-il en pointant le périmètre restreint sur lequel souhaite se pencher l’opposition. "Mais ce n’est pas suffisant pour comprendre la situation du secteur de l'énergie : il faut une observation plus générale. On peut se demander par exemple pourquoi la société EDT est-elle en situation de quasi-monopole aujourd’hui ? Qui lui a vendu ses actions dans la société Marama Nui, pour en arriver là ? Et pourquoi ? Vingt ans après, c’est facile d’accuser le gouvernement de servir les intérêts d’EDT. On peut se demander aussi pourquoi l’éolien ne marche pas à Makemo ? Les sujets auxquels peut s’intéresser une commission d’enquête sont nombreux. Ses travaux mettront probablement beaucoup de lumière dans un secteur qui aujourd’hui encore est finalement assez méconnu de nos élus".

"Si nous souhaitons réussir notre transition énergétique, nous devons l’appréhender de la manière la plus globale possible tant ces sujets peuvent être connectés entre eux, et parfois même, entrer en contradiction les uns avec les autres ; la péréquation étant un exemple parmi tant d’autres. Pour ce faire, il nous est apparu nécessaire de nous doter d’une commission d’enquête qui serait chargée de faire un bilan tant sur l’évolution du secteur de l’énergie au cours de ces dernières années, que sur son organisation et son fonctionnement actuels. Une commission d’enquête qui évaluerait l’impact de certaines décisions prises par les différents responsables en charge de l’énergie qui se sont succédé, et qui évaluerait leur efficience. Une commission d’enquête au sein de laquelle pourraient s’exprimer tous les avis, aussi divergents soient-ils", défend de son côté l’exposé des motifs de la proposition portée par la majorité.

Et, compte tenu des forces en présence, tant en commission de l’énergie qu’au sein de l’hémicycle de Tarahoi, la délibération portant création d’une commission d’enquête sera validée par l’assemblée dans les termes souhaités par la majorité, qui en prendra la présidence. Le texte pourrait être soumis à l’avis de la représentation polynésienne dans le courant du mois d’août, lors d’une session extraordinaire.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 1 Juillet 2016 à 11:33 | Lu 1307 fois