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Baie du Taaone : l'eau de baignade est mauvaise dans le panache de pollution


La baie du Taaone avec les différents points de contrôle où des prélèvements d'eau ont été analysés. Avec les résultats de chacun des sites : bon, moyen ou mauvais.
La baie du Taaone avec les différents points de contrôle où des prélèvements d'eau ont été analysés. Avec les résultats de chacun des sites : bon, moyen ou mauvais.
PIRAE, le 19 janvier 2016. Les résultats des analyses des eaux de baignade de la baie du Taaone ont été remis vendredi à la mairie de Pirae. Ils montrent une évidente pollution bactérienne au point de rejet des effluents d'eaux usées de l'hôpital, là où la canalisation est rompue. Ce qui est plus préoccupant sont les résultats à l'embouchure de la Fautaua avec des valeurs constatées six fois supérieures au seuil.

Le 13 janvier dernier, les agents du Centre d'hygiène et de salubrité publique (CHSP) ont effectué des prélèvements d'eau de mer sur dix points différents de la baie du Taaone. Les prélèvements ont été réalisés sur les plages les plus fréquentées, mais aussi les embouchures des rivières. Par ailleurs, les agents ont pris des échantillons près de l'émissaire d'eau pluviale qui se jette à 60 mètres du rivage dans le lagon et bien entendu, à proximité de la canalisation d'eaux usées de l'hôpital qui est ouverte à 150 mètres environ du bord de mer.

Les analyses rendues deux jours plus tard –le vendredi 15 janvier- à la mairie de Pirae sont disparates en fonction des lieux de prélèvements. Ainsi et cela va rassurer certainement tous ceux qui se sont baignés sur ces plages durant les vacances de Noël, la qualité de l'eau de baignade est bonne devant le Royal Tahitien (aussi bien près de la plage que dans le lagon). L'eau est bonne également en face de la salle Aorai Tini Hau. Elle est bonne aussi à 60 mètres du rivage, là où débouche un émissaire d'eau pluviale et même sur la portion de plage située à droite de l'embouchure de la Fautaua. La qualité de l'eau de baignade est moyenne dans le lagon à la pointe du récif et à gauche de l'embouchure de la Hamuta.

TROIS FOIS PLUS DE BACTÉRIES QUE LE SEUIL ADMIS

En revanche, comme prévu, l'eau de baignade est de mauvaise qualité quand l'échantillon est prélevé dans le panache de pollution à 180 mètres de la plage, pile à l'endroit où la canalisation des eaux usées du centre hospitalier est déboîtée et déverse par conséquent des eaux non encore totalement traitées dans le lagon. On y trouve ainsi des Escherichia coli, des bactéries intestinales communes de l'être humain, en nombre. 6119 unités pour 100 ml d'eau quand le seuil fixé pour déterminer qu'une eau de baignade est de mauvaise qualité est atteint dès 2000 unités. Jusque-là rien que de très normal, au moment où cette pollution était révélée par les autorités de la mairie de Pirae, du CHSP et du centre hospitalier, on s'attendait bien entendu à retrouver dans l'eau une quantité importante de ces bactéries issues des matières fécales humaines. Il s'agit d'une pollution momentanée, expliquée par la rupture de la canalisation des eaux usées de l'hôpital qui doit être réparée rapidement (voir en encadré).

Là où la situation se corse, même si elle est connue depuis longtemps par les autorités sanitaires et par la municipalité de Pirae, c'est que l'eau est également de mauvaise qualité à deux autres points de cette baie de Taaone. C'est le cas à l'embouchure de la Hamuta avec 4277 unités pour 100 ml d'eau d'Escherichia coli, soit plus de deux fois plus que le seuil requis pour désigner une eau de mauvaise qualité.

Mais la pire des analyses effectuée le 13 janvier revient à l'embouchure de la Fautaua où ont été relevées pas moins de 12 687 Escherichia coli, soit six fois plus qu'il n’en faut pour atteindre le seuil minimum de la mauvaise qualité de l'eau. Cette même embouchure de la Fautaua se caractérise également par une concentration record d'entérocoques intestinaux. Dans le prélèvement effectué le 13 janvier, les analyses révèlent 1762 unités pour 100 ml d'eau quand il en faut moins de 100 selon les normes pour avoir une eau de baignade de bonne qualité. Or, aucune "pollution momentanée" ne vient dans le cas de ces deux embouchures de rivières, expliquer ce phénomène qui est, dans le cas de la Fautaua mesuré avec des valeurs deux fois supérieures à celles issues du panache de pollution de la canalisation cassée de l'hôpital pour les unités d'Escherichia coli et 23 fois supérieures pour les entérocoques intestinaux !

ASSAINISSEMENT : IL Y A URGENCE


En l'occurrence, cette pollution constante aux embouchures de ces deux rivières est constatée depuis très longtemps. En connaissance de cause, la municipalité de Pirae aurait pris, il y a plusieurs années déjà, des arrêtés d'interdiction de baignade sur ces points précis de sa commune. C'est ce qui a été déclaré, en tout cas, lors de la conférence de presse du 8 janvier dernier quand la pollution momentanée causée par la rupture de la canalisation de l'hôpital a été rendue publique et que la baignade a été interdite dans la baie du Taaone.

Cette mauvaise qualité de l'eau aux embouchures des rivières apparait dans chacun des derniers rapports publiés par le CHSP sur la qualité des eaux de baignade de Polynésie française : "mauvaise qualité des embouchures des rivières Fautaua et Hamuta, exutoires de multiples stations d'épuration, pollutions diverses apportées par les rivières et caniveaux d'eaux pluviales". On le sait, les cours d'eau de la zone urbaine servent, depuis longtemps, comme lieu de rejets de déchets de toutes sortes. A la demande du Centre d'hygiène et de salubrité publique il est demandé "des contrôles et demandes d’amélioration des stations rejetant leurs eaux usées dans les rivières Fautaua et Hamuta".

Sans que la situation ne s'améliore puisque année après année les remarques sont similaires. Le rapport du service d'hygiène est plus explicite encore. Il fait une recommandation : "mise en place d’un réseau d’assainissement collectif public avec rejet des eaux usées traitées à l’océan permettant la dilution et la
dispersion des contaminants
". Il apparaît effectivement urgent que quelque chose soit fait pour stopper ou limiter les rejets de déchets et d'eaux non traitées dans les rivières. Car les pollutions se retrouvent ensuite à la mer, non pas au large où elles pourraient éventuellement se diluer et se disperser, mais dans le lagon et sur le bord même du rivage.


La réparation provisoire démarre

Les travaux pour remettre en état la canalisation des eaux usées du centre hospitalier démarrent ces jours-ci. Il s'agit d'une intervention spécialisée sous-marine pour ré-emboîter les éléments de tuyaux qui ont été retrouvés désolidarisés les uns des autres, au début du mois de janvier dernier. Cette réparation n'est que provisoire en attendant une réfection complète de cette canalisation de 1 km de long qui permet aux effluents pré-traités des eaux usées de l'hôpital d'être rejetés au large, en pleine mer, et à une profondeur de 60 mètres. Une situation qui permet habituellement à ces effluents d'eaux usées de se diluer et de se disperser en mer et de laisser en surface une eau qualifiée de bonne pour la baignade. Les travaux provisoires doivent durer six jours. Une période de quelques jours supplémentaire sera observée pour la dispersion du panache de pollution présent dans le lagon. Puis de nouvelles analyses des eaux de baignade seront effectuées avant de pouvoir, si les résultats sont conformes, lever l'interdiction de se baigner et de pratiquer des activités nautiques dans la baie du Taaone.

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 19 Janvier 2016 à 20:51 | Lu 3239 fois