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Bagarre mortelle à Taha'a : "Je voulais le mettre KO, j'étais vexé, en crise, en rage" reconnait l'accusé


La fille de Stellio Tiatia, la victime, est arrivée à l'audience avec des photos rappelant la joie de vivre de son père, un homme simple apprécié à Taha'a.
La fille de Stellio Tiatia, la victime, est arrivée à l'audience avec des photos rappelant la joie de vivre de son père, un homme simple apprécié à Taha'a.
PAPEETE, le 1er décembre 2015 - Le procès de Christian Heimanu Vautier s'est ouvert ce mardi matin devant la cour d'assises. Ce jeune homme de 27 ans est accusé d'avoir tué "sans en avoir eu l'intention" un homme sans histoire de 40 ans, Stellio Tiatia, au cours d'une bagarre en mars 2013 à Taha'a. Mais le récit des nombreux témoins directs de l'affrontement et l’hyper-violence des coups portés à la victime ne plaident pas en faveur de l'accusé, initialement poursuivi pour "homicide volontaire".

Christian Heimanu Vautier, 27 ans, est arrivé libre mardi matin au palais de justice de Papeete, où il a pris place dans le box des accusés. Placé en détention provisoire pendant un peu plus d'un an dans ce dossier, il a été libéré en 2014, assigné à résidence sous surveillance électronique. Mis en examen pour "homicide volontaire" sur Stellio Tiatia au départ de l'affaire, le juge d'instruction avait requalifié les faits en "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Lors de la reconstitution, puis au cours de l'instruction, Heimanu n'avait cessé de répéter qu'il n'avait pas voulu "en arriver là". Si tel est le cas, force est de constater qu'il avait néanmoins mis toutes les chances de son côté pour que le pire se produise.

Une bagarre en trois actes

Heimanu et Stellio ne se connaissaient pas. Le soir du drame, le premier a croisé le chemin du second peu de temps après s'être disputé avec sa concubine, qui lui avait avoué l'avoir trompé avec un autre. Ivre et trimbalant sa colère avec lui, Heimanu avait tenté de s'incruster dans un groupe de copains qui buvaient un coup sur un banc de la place Maina Nui, à Patio. Stellio lui avait fait comprendre qu'il n'était pas le bienvenu, faisant entrer Heimanu dans une rage folle. La bagarre était devenue inévitable. C'est Stellio qui a d'abord pris le dessus. D'une clé de bras, il maîtrise le jeune homme et manque de l'étrangler.

De nombreux témoins assistent à la scène et certains interviennent pour séparer les deux hommes. L'affaire aurait pu en rester là. Mais la bagarre reprend de plus belle. Pendant cinq bonnes minutes. De vingt ans son cadet, c'est Heimanu qui prend cette fois l'ascendant. Epuisés, les deux hommes font une trêve de quelques minutes, à quelques mètres l'un de l'autre. Selon un témoin, Heimanu interpelle Stellio, lui demande s'il a son compte. Un autre raconte que l'aîné des deux hommes, essoufflé, courbé, les mains en appui sur les cuisses, lève les yeux et le regarde comme pour lui dire : "Ok, c'est bon...".

Mais pour Heimanu, boxeur à ses heures, il faut un vainqueur. "Il s'est dirigé vers Stellio et lui a asséné un coup de pied au menton". Le malheureux s'écroule par terre. "Il a continué à lui donner des coups de pied et de poing, au sol", poursuit un énième témoin. Un autre raconte : "Il lui a donné un dernier coup de pied au niveau du cou, c'était fort, il a armé son coup. Stellio avait le souffle très fort et aigu, comme s'il n'arrivait plus à respirer. Et puis plus rien". Les mutoi et les pompiers ne pourront rien faire pour ranimer le malheureux dont le décès a été très rapide.

"Il disait qu'il allait me tuer", se défend l'accusé

Très mal à l'aise, s'exprimant péniblement depuis le box des accusés, Heimanu reconnait les faits et sa violence. Mais des questions se posent. Et lui sont posées par la cour. Pourquoi ne pas avoir jeté l'éponge quand Stellio l'a corrigé une première fois ? Pourquoi ne pas s'être arrêté, au lieu de s'acharner sur lui, quand Stellio avait un genou à terre cinq minutes plus tard ? Pourquoi l'avoir frappé au sol alors qu'il était déjà KO ? "Pendant qu'il m'étranglait, il me disait qu'il allait me tuer... j'avais peur qu'il se relève", se défend l'accusé. "Si vous aviez si peur de lui, pourquoi ne vous êtes-vous pas plutôt enfui ?", s'interroge l'avocat général. "Il a vingt ans de plus que vous, il avait l'air d'avoir son compte, il n'était plus menaçant à ce moment-là". "Je voulais le mettre KO, j'étais vexé d'avoir perdu la première partie de la bagarre, j'étais énervé... en crise... en rage", reconnait Heimanu, poussé dans ses derniers retranchements.

Des explications qui concorderaient avec les conclusions de l'expert psychiatre à son sujet : "Ce n'est pas quelqu'un qui subit, c'est un bagarreur de nature. S'il se sent agressé, il va répondre par l'agressivité et la violence, c'est garanti. On ne laisse pas l'autre triompher, c'est insoutenable pour lui. Il était ivre mais il connaît les effets de l'alcool chez lui, la colère et l'agressivité que cela déclenche. Il est complètement responsable de ses actes".

Le jugement sera rendu mercredi après les plaidoiries et le réquisitoire de l'avocat général. Les "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner" sont punies de 15 ans de réclusion criminelle.

Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 1 Décembre 2015 à 15:59 | Lu 10561 fois