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Babylab, le laboratoire pour comprendre le cerveau des bébés


Le laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique de l'ENS est installé rue d'Ulm à Paris. Chaque année, 1.500 tout-petits sont observés par une vingtaine de chercheurs, leurs moindres réactions analysées.
Le laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique de l'ENS est installé rue d'Ulm à Paris. Chaque année, 1.500 tout-petits sont observés par une vingtaine de chercheurs, leurs moindres réactions analysées.
Paris, France | AFP | samedi 20/06/2015 - Le cobaye s'avance dans les couloirs de l'Ecole normale supérieure, la démarche mal assurée, un brin nerveux. Dans quelques minutes, il aidera la science à mieux connaître son cerveau. En attendant Raphaël serre un peu plus fort son doudou.

Ce blondinet de deux ans est venu avec sa maman au Babylab, le laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique de l'ENS, rue d'Ulm à Paris. Chaque année, 1.500 tout-petits sont observés par une vingtaine de chercheurs, leurs moindres réactions analysées.

"Ici, on fait des expériences pour essayer de comprendre le développement cognitif des très jeunes enfants. Par exemple, la manière dont ils apprennent à parler", résume Anne Christophe, la directrice du laboratoire.

Ordinateurs, caméras, écrans, autocollants d'animaux et d'hélicoptères sur les murs et par terre, un tapis de jeu avec des peluches. Au centre, deux pièces aveugles et insonorisées avec pour seul mobilier une chaise face à une télévision.

Anne-Laure de Vallée, mère du spécimen, s'amuse que son fils "contribue à sa petite mesure à la recherche scientifique, dans les locaux de Normal Sup en plus!"

Pour seul équipement, son fils se voit coller une gommette sur le front. Sa mission, mais il ne le sait pas: apprendre des mots inventés.

Sa mère s'assoit dans la cabine puis le fait grimper sur ses genoux. Happé par un classique de Disney, le petiot n'accorde aucune attention à la caméra au-dessus de l'écran qui tente de capter son regard. Maman a un casque sur les oreilles, il ne s'agirait pas qu'elle l'oriente dans ses "réponses".

Dehors, la chercheuse Isabelle Dautriche n'a que quatre minutes pour mener son expérience - un bébé, c'est vite distrait. Sur l'un des écrans, l'oeil de Raphaël en gros plan, sur l'autre, un petit point se déplace sur un fond noir, c'est l'eye-tracker (suiveur de regard) qui se focalise sur sa pupille pour comprendre où se posent ses yeux.

La France pionnière

Sur l'écran apparaît soudain une femme faisant rouler une voiture en plastique : "tu la vois la voiture? Elle fait vroum vroum", explique-t-elle. La même dame présente ensuite une étrange peluche, entre le tamanoir et la vache. "C'est un tombé", déclare-t-elle, "il a de grandes oreilles et un loooong nez".

Deux photos s'affichent. "Tu reconnais le tombé?", demande la voix. Et le regard du bout de chou de se diriger vers l'image de la peluche.

Raphaël se fait "très coopératif" et désigne l'objet du doigt, accompagné d'une exclamation dont lui seul comprend le sens.

Mais prudence: "un bébé peut regarder une image parce que celle-là lui plaît plus. On essaye d'éliminer un maximum de biais cognitifs", avertit Isabelle Dautriche.

Le test est un succès. "Deux bébés sur dix ne vont pas faire l'expérience. Ils ont mal au ventre, on les réveille alors qu'ils étaient dans la poussette...", explique Anne Christophe.

La France a été pionnière dans les recherches sur les bébés. Créé dans les années 1980, le premier babylab voit le jour à la maternité parisienne de Port-Royal, avant d'essaimer: Grenoble, Aix-en-Provence, Oxford, Los Angeles... Les Français restent leaders, avec des séjours en maternité plus longs qu'ailleurs, permettant de tester directement les nouveau-nés.

"A la fin des années 1960, on pensait que tout l'apprentissage s'effectuait par un mécanisme général, que ça ne servait à rien d'étudier des bébés... On pouvait aussi bien étudier des rats", poursuit la directrice.

La recherche a depuis découvert que les bébés savaient différencier un nom d'un verbe, qu'une phrase vient de leur langue maternelle ou d'une langue étrangère, comprenaient qu'un plus un égalent deux...

C'est la maman qui est fière: "Je suis épatée que mon petit garçon qui n'a pas deux ans, qui n'a pas la parole, dont on ne sait pas ce qu'il comprend, en fait, comprend beaucoup de choses".

par Marie GIFFARD

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Rédigé par AFP le Samedi 20 Juin 2015 à 06:54 | Lu 276 fois