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Assurance chômage: échec de la négociation, l'Etat va reprendre la main


Paris, France | AFP | mercredi 20/02/2019 - Chronique d'un échec annoncé: après trois mois et demi de négociation, les partenaires sociaux n'ont pas réussi mercredi à se mettre d'accord sur la réforme de l'assurance chômage voulue par l'exécutif, qui va reprendre la main, au risque d'acter la fin du paritarisme.

"Nous faisons le constat que nous ne pouvons trouver aujourd'hui suffisamment de points de convergence", a résumé le négociateur du Medef Hubert Mongon, à l'issue d'une dixième et dernière séance qui a duré à peine une heure.
Une nouvelle fois, les partenaires sociaux ont buté sur l'instauration d'un "bonus-malus" pour décourager les entreprises de recourir aux contrats courts (moins d'un mois) alors qu'un tiers des CDD ne dure qu'une journée.
Catégoriquement rejeté par le patronat, ce dispositif était exigé par les syndicats, forts des engagements répétés d'Emmanuel Macron en ce sens. Ceux-ci avaient posé comme condition pour cette dernière séance d'avoir une proposition avec une "modulation" des cotisations chômage des entreprises.
Selon Eric Courpotin (CFTC), le patronat a constaté l'échec dès le début de la réunion, sans essayer même de défendre ses ultimes propositions, une contribution forfaitaire sur les contrats courts.
"C'est une négociation qui se termine en queue de poisson", a-t-il résumé. "On aura en fait jamais négocié", a déploré Jean-François Foucard (CFE-CGC).
En refusant de discuter du bonus-malus, "le patronat, et singulièrement le Medef, est responsable de la situation", a estimé Denis Gravouil (CGT). "Quand on veut un accord, on fait un pas l'un vers l'autre. Le patronat a fait un pas de côté", a renchéri Michel Beaugas (FO).
De son côté, le patronat a plaidé, comme la CPME, les "torts partagés". Il a déploré le refus des syndicats de discuter des économies demandées par le gouvernement, au minimum un milliard d'euros par an, par une révision des règles d'indemnisation afin à la fois de réduire l'endettement de l'Unédic et d'inciter "au retour durable à l'emploi".
Patronat et syndicats se sont rejoints pour dénoncer une lettre de cadrage du gouvernement "trop contraignante" qui limitait leurs marges de négociation. "Le gouvernement nous a amenés à un endroit où on ne voulait pas aller", a déploré Patrick Liebus (U2P, commerçants et artisans).
Autre facteur d'échec, selon M. Mongon, "le contexte politique et social de ces dernières semaines, qui a placé l'Etat et l'ensemble des partenaires sociaux devant de nouvelles questions" dans une allusion à la crise des "gilets jaunes" et au grand débat.

- Fin du paritarisme ? -

 
C'est donc à l'exécutif de rependre la main pour mettre en oeuvre sa réforme de l'assurance chômage. 
Le gouvernement "prendra les mesures qu'il faut pour qu'il y ait moins de travail précaire dans notre pays", a déjà affirmé la ministre du Travail Muriel Pénicaud.
Dans le contexte actuel, le gouvernement devrait cependant prendre le temps de consulter les partenaires sociaux, comme l'ont déjà réclamé le Medef et la CFDT.
"C'est maintenant au gouvernement d'annoncer des baisses de droits pour les chômeurs et c'est pas très tendance actuellement", a ironisé Jean-François Foucard (CFE-CGC).
Ce syndicat de cadres craint notamment que le gouvernement veuille abaisser le plafond de l'allocation mensuelle, actuellement de 6.000 euros. 
Marilyse Léon (CFDT) s'est dite "inquiète pour les demandeurs d'emploi". La CGT, qui a prévu une journée d'action le 19 mars, se prépare à se mobiliser "pour que les économies ne soient pas appliquées par le gouvernement".
De son côté, le Medef va devoir maintenant batailler avec l'exécutif pour ne pas se voir imposer le bonus-malus.
Plusieurs négociateurs ont surtout déploré "la fin d'une époque" sur la gestion paritaire de l'assurance chômage.
"On rentre dans une nouvelle ère. C'est probablement la dernière négociation Unédic. Mais la CFDT ne restera pas dans un régime paritaire dont on ne définit pas les règles", a prévenu Marylise Léon.
"Le paritarisme prend un coup important. On implose de l'intérieur", a déploré Patrick Liebus (U2P). "Si rien ne change, il y a fort à parier que le principe même de la négociation interprofessionnelle ait vécu", a renchéri la CPME. 

le Mercredi 20 Février 2019 à 07:31 | Lu 152 fois