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Agression de la cathédrale : "Il a la tête droite, les autres regardent par terre" lache, fière, la mère de la victime


Maeva Sorin, la maman de la victime, a toujours des frissons quand son garçon rentre en retard un an après les faits. Mais elle est fière car ce n'est pas le lâche de l'histoire.
Maeva Sorin, la maman de la victime, a toujours des frissons quand son garçon rentre en retard un an après les faits. Mais elle est fière car ce n'est pas le lâche de l'histoire.
PAPEETE, le 24 août 2015 - Le 22 novembre 2014, un adolescent de 17 ans se faisait lyncher par une quinzaine de jeunes mineurs pour son téléphone, place Notre-Dame à Papeete. Six d'entre eux, dont deux toujours détenus, l'un dans le cadre d'une autre affaire, étaient jugés ce lundi par le tribunal pour enfants.

Tous ont été reconnus coupables des faits dans la soirée et condamnés pour violences volontaires aggravées. Les peines s'échelonnent de 2 à 4 mois de prison avec sursis pour les "suiveurs", à 1 an de prison ferme pour l'auteur principal, détenu depuis les faits. Les deux autres agresseurs reconnus comme ayant pris activement part au lynchage écopent de 9 mois de prison ferme avec maintien en détention et 15 mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve pendant 2 ans.

Maeva Sorin est la maman de cet adolescent lynché en novembre de l'année dernière, en plein cœur de Papeete, alors qu'il se baladait en ville après un concert. Toujours très affectée, elle revient sur cette expérience terrifiante. "Je n'avais jamais vu les images de la vidéosurveillance, c'est juste horrible pour une mère de voir son fils se faire tabasser de la sorte".
Les yeux humides quand les souvenirs de cette sale soirée refont surface, c'est néanmoins avec beaucoup de détermination qu'elle a affronté, ce lundi, le procès des agresseurs de son fils. Un procès qui s'est déroulé sur toute la journée, à l'abri des regards extérieurs, en raison de l'âge des auteurs, devant le tribunal pour enfants.

Rappelons que la victime s'était fait rouer de coups sur tout le corps, prise à partie par une quinzaine d'individus devant la cathédrale, gratuitement, sans que personne n'intervienne ni n'appelle les secours. Son état avait nécessité plusieurs jours d'hospitalisation.

"C'est très violent, c'est un lynchage"

En l'absence de toute dénonciation à la police le soir des faits, les forces de l'ordre avaient dû éplucher les images filmées par les caméras de surveillance de la ville pour identifier et interpeller les jeunes voyous. Un film valant tous les témoignages tant il ne laisse aucun doute sur le niveau de violence qui s'est emparé de cette bande d'ados désœuvrés le soir des faits : "Cela a été très difficile pour la victime de revoir la vidéo", raconte Me James Lau, avocat de la partie civile. "C'était déjà très traumatisant quand on avait passé le film au moment des confrontations, on voit que le traumatisme est toujours bien présent aujourd'hui. Le film de l'agression est incroyablement réaliste. On sent la violence, c'est très violent, c'est un lynchage. C'est un document que l'on n'a pas l'habitude d'avoir dans ce genre d'affaires. D'habitude des témoins viennent raconter ce qu'ils ont vu. Là, on a le film tel qu'il est, tel que les faits se sont réellement passés. Ce sont des jeunes avec des difficultés sociales, familiales, environnementales… Mais c'est le lot de beaucoup de jeunes ! Doit-on pour autant franchir la ligne jaune ?"

Un avis que partage la maman Maeva Sorin, sans pitié avec les parents des jeunes qui se sont acharnés sur sa progéniture : "Ce ne sont pas des parents pour moi. Les voir pleurer, demander pardon, je n'entends que ça depuis ce matin (hier, Ndlr). Quand ils se sont mis à massacrer mon gamin, je suis désolé, mais là il n'y avait aucune pitié. Les parents n'ont pas fait leur travail, ils ont laissé leurs gamins livrés à eux-mêmes. Entendre mille pardons n'a aucune valeur à mes yeux à l'heure actuelle. Ce sont des enfants à problèmes, dont la situation familiale n'est pas des plus favorables. Mais je ne veux pas que l'on s'arrête à ça. On tente d'expliquer ce qu'ils ont fait par leur environnement mais cela ne justifie pas tout, je suis désolée."

La victime debout face à ses agresseurs

D'autant plus que malgré les mois qui ont passés, personne ne sait encore réellement pourquoi en sont-ils arrivés à tant de violence : "On a, tant bien que mal, essayé de leur soutirer le pourquoi du comment de cette agression mais ils ne répondent pas vraiment. On y croit plus. Certains sont dans le déni, d'autres ne demandent que pardon. Les parents ne développent pas non plus".

Reste peut-être à retirer de cette pénible expérience la fierté d'avoir un fils qui a su se relever, reprendre sa vie comme avant et même en remontrer à ses agresseurs en n'hésitant pas à faire le déplacement au palais de justice : "Oui. Il a tenu à faire le déplacement, à se confronter à eux", lâche enfin Maeva.

"Peut-être tout simplement pour leur montrer qu'il peut se tenir debout face à eux. Que le lâche dans l'histoire, ce n'est pas lui, et que le courage ce n'est pas frapper un individu en groupe, mais d'affronter ce groupe, debout, un an après. Il a pu se relever, se reconstruire, reprendre sa vie comme avant, ses cours. Il n'a pas voulu s'enfermer dans ce statut de victime. D'ailleurs, quand on est dans la salle, lui, il garde la tête bien droite et les autres ont le regard par terre…".

Rédigé par Raphaël Pierre le Lundi 24 Août 2015 à 17:07 | Lu 11275 fois