Tahiti Infos

A l'Assemblée nationale, Edouard Fritch défend la création du tribunal foncier polynésien


PARIS, le 15 avril 2014. C’était une fenêtre parlementaire étroite, mais cette fois, les députés polynésiens n’ont pas laissé filer leur chance. Pour la reprise des travaux parlementaires, après l’interruption des élections municipales, c’est avec un rébarbatif projet de loi «sur la modernisation et la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures» que les députés entament une nouvelle session. Mais c’était justement un véhicule législatif utile pour tenter d’obtenir la création sur notre territoire d’un tribunal foncier, promis dans la loi organique de 2004. Au cours du mois de février dernier, une dizaine d’amendements ont été rédigés par les trois députés polynésiens, deux ont été adoptés par la commission des lois, validant ainsi la demande de création du tribunal foncier.

Pour marquer l’importance de cet enjeu en Polynésie, ce mardi en soirée à Paris, Edouard Fritch a pris la parole sitôt la discussion générale ouverte, devant un hémicycle clairsemé pour ces travaux en soirée. «La mise en œuvre des principes du Code civil a imposé une parfaite connaissance des différentes terres composant le territoire de chacune des îles ou de chacun des atolls de la Polynésie française. Le premier cadastre digne de ce nom est toujours en cours actuellement, à grands frais. Et plus d’un siècle après le démarrage de cette politique, de nombreux conflits touchant à la délimitation des terres nourrissent la chronique judiciaire et encombre les juridictions civiles de droit commun au quotidien. L’application correcte des principes du Code civil suppose la connaissance tout aussi parfaite de leurs propriétaires légitimes, d’origine ou successifs. La fiabilité de l’état civil, la question des généalogies sont donc toujours au cœur de la problématique foncière polynésienne».

Mais l’adoption des amendements polynésiens en Commission des lois, en vue de créer ce tribunal foncier en Polynésie ne sont pas gages d’une réussite à 100%. Ainsi, le gouvernement central a fait connaître «son avis défavorable sur cet amendement au motif que le ministère de la Justice va prochainement mettre en place un groupe de travail ayant pour mission de dresser un état des lieux des difficultés en matière de propriété immobilière dans les outre-mer et en métropole et de proposer des solutions juridiques et techniques adaptées, et qu’il convenait d’en attendre les conclusions. L’amendement a néanmoins été adopté par la commission des Lois». Il y a quelques semaines, les députés estimaient qu’il y avait à peine plus d’une chance sur deux pour que cette création soit actée et qu’un tribunal foncier soit réellement à la manœuvre dans le courant de l’année 2015 à Papeete.

Beaucoup plus aléatoire encore, sont les autres propositions émanant des députés polynésiens via des amendements qui ont été rejetés par la Commission des lois mais qu’ils vont néanmoins défendre en séance publique. Ce qui risque de coincer avant tout ce sera la prise en charge financière de ce nouveau tribunal, quand la fameuse Commission de conciliation obligatoire en matière foncière (CCOMF) était très peu coûteuse. Ce sera toutefois à l’Etat de trouver les ressources nécessaires pour faire fonctionner ce tribunal dont la création était prévue depuis dix ans dans le nouveau statut du Pays. Ce tribunal foncier devrait être au minimum composé de deux magistrats, appuyés par le travail d'assesseurs puisés dans les spécialistes locaux des affaires foncières. Pour appuyer son propos, Edouard Fritch a souligné : «les juridictions de l’ordre civil actuelles ne sont plus en capacité de répondre à l’ampleur de la demande, et il nous faut compléter, sur ce point, nos instruments juridictionnels et notre outil administratif». Il en va de la volonté de retrouver un certain apaisement entre des familles déchirées autour de conflits fonciers, mais aussi de la relance économique du Pays. «Le Pays lui-même a du mal à dégager de la terre pour ses projets, l’indivision favorise la flambée des prix » rappelait en février Edouard Fritch.
900 dossiers de litiges fonciers étaient en stock en décembre 2013 auprès de la commission de conciliation obligatoire en matière foncière (CCOMF). Les temps d’instruction des dossiers peuvent aller peuvent aller jusqu’à deux ou trois ans.

Pour visionner la vidéo de l'intervention d'Edouard Fritch à l'Assemblée nationale, CLIQUER ICI

Pour lire le texte de l'intervention d'Edouard Fritch, CLIQUER ICI

Une mission de la Chancellerie

Pour ne pas froisser les susceptibilités, le député polynésien Edouard Fritch a annoncé en préambule de sa prise de parole que le groupe UDI de l’assemblée nationale auquel il appartient adopterait le projet de loi de simplification et de modernisation du droit, regrettant toutefois «la portée très large et assez vague de ce texte». Il indique encore que la mise en place d’un éventuel tribunal foncier en Polynésie ne pourrait se faire qu’en concertation entre l’Etat et le Pays. «C’est la raison pour laquelle, en vue du dégagement en commun de solutions constructives sur tous ses sujets, nous réitérons notre demande au Garde des Sceaux de bien vouloir consentir à l’envoi en Polynésie française d’une mission de spécialistes de la Chancellerie chargés d’élaborer, de concert avec les services du Pays et les professionnels locaux du droit, un rapport de situation et de formuler, sur tous ces sujets, des préconisations et des projets de texte de modernisation à mettre en œuvre».

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 15 Avril 2014 à 15:35 | Lu 784 fois
           



Commentaires

1.Posté par Kaddour le 16/04/2014 10:29 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler

Il est incontestable que le foncier au henua est une véritable bouteille d'encre...
La solution est pourtant simple : la puissance coloniale (en l'occurence la France) se retire du pays et remet toutes les terres "spoliées" (comme dirait la camarade Monil) au territoire. En terme moins choisis : indépendance...
Les élus du pé'ï sauront alors rendre les terres à qui elles appartiennent historiquement. Enfin, je l'éspère...

2.Posté par grand simone le 16/04/2014 13:21 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler

Les dites affaires de terre sont au départ des problèmes de relations intrafamiliales où la terre n'en est jamais que le théâtre.
J'ai l'impression là qu'on met inverse les priorités.
Le 1ère étant l'apaisement des conflits à l'aide d'une médiation intelligente non partisane et sans préjugé.
Simone Grand

3.Posté par jean pierre le 16/04/2014 18:48 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler

Les affaire de terres, il y a 70 ans que j'en entend parler, 70 ans que les familles se tapent dessus parce que à l'époque le grand père avait donné (en parole) tel morceau de terre à untel et tel autre à un autre et ainsi de suite, si la terre donnée se trouvait longtemps inoccupée un quidam s'y installait sans que personne ne râle et les aillant droits n'ayant aucun titre en règle se trouvent encore maintenant floués. Alors la spoliation coloniale c'est quand même une foutaise de première. Mais c'est vrai qu'il est plus facile d'accuser l'état que les Maohi eux même.
Beaucoup de grandes familles en ont ainsi profité, les descendants d'indélicats de l'époque sont légions chez nous.

4.Posté par grand simone le 16/04/2014 22:05 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler

Salut Jean-Pierre,
En effet, on n'est jamais aussi bien spolié que par ses proches.
Souvent des oncles qui profitent de leurs neveux et nièces orphelins pour épaissir leurs porte-feuilles ou la mairie de Faaa par exemple, qui occupe la terre Mumuvai dont elle refuse de payer le moindre loyer et qui en définitive veut exproprier ou faire jouer la clause d'usucapion trentenaire en tentant de faire oublier les démarches des ayant-droit.
Vraiment, c'est en famille qu'on se spolie le mieux.
La priorité est la mise au clair des pbs familiaux, la terre n'en est que le signe.
Simone Grand.